La vidéo (https://www.rtbf.be/auvio/detail_voiture-electrique-697-612-kms-pour-devenir-verte?id=2467532) et l’article qui affirme qu’un véhicule électrique devait parcourir 697.612 kms pour commencer à émettre moins de CO2 qu’une voiture thermique essence, m’ont déçu parce que les éléments présentés sont incomplets et mènent à une conclusion erronée. Voici pourquoi.
Une batterie de 40 kWh et le moteur électrique qu’elle alimente ont une empreinte environnementale. Mais l’ensemble remplace le moteur à combustion + boîte de vitesse + échappement + réservoir + radiateur + auxiliaires et conduites y associées.
Il faudrait donc plutôt faire la différence entre l’empreinte environnementale de 2 véhicules comparables (par exemple une Renault Clio et une Renault Zoe, ou tout autre couple équivalent). Pour faire simple, on pourrait valoriser la différence de poids et en évaluer l’empreinte sur base de celle des batteries au lithium (150 kg de CO2 par kWh de stockage, pour 0,2 kWh de stockage par kg, soit 30 kg de CO2 par kg de batterie). Une Renault Zoe (40 kWh, 68 kW) pèse 1.548 kg tandis qu’une Clio (Tce 90ch, soit 66 kW) pèse 1.200kg (1.165 kg + 35 kg d’essence), soit une différence de 348 kg, valorisée à 10.440 kg de CO2. Les développements en batterie LMO permettent déjà de diviser ce chiffre par 4.
Ensuite, il faut savoir que les batteries des véhicules électriques en fin de vie (les premiers ayant plus de 7 à 10 ans, il y en a déjà) sont utilisées pour le stockage d’électricité au niveau du réseau, au Royaume Uni notamment. Cet usage est encore trop récent pour pouvoir estimer la durée de vie supplémentaire qu’il offre, mais il est déjà de plusieurs années.
La consommation réelle d’un véhicule électrique en cycle urbain/péri-urbain (des trajets quotidiens de moins 30 km, pour l’aller simple) est de l’ordre de 10 à 15 kWh/100km (en fonction du style de conduite). Dans la vidéo le conducteur estime le coût à 3 €/100km, pour un coût de 0,30 €/kWh, ce qui revient à 10 kWh/100km. Un litre d’essence contient 13 kWh d’énergie.
Convertir la consommation d’un véhicule électrique en combustible fossile implique un choix. Si toute l’électricité est produite de façon renouvelable, elle n’émet aucun CO2. Si on utilise une centrale à cycle combiné au gaz pour toute cette production, l’émission correspond à celle d’une consommation 1,4 l/100km d’essence. Avec le parc de centrales belges actuel, nous sommes sous l’équivalent de 0,6 l/100km pour le CO2. En remplaçant le nucléaire par du gaz, on reste sous l’équivalent de 1,2 l/100km, mais à quasiment 0 pour le SOx, le NOX et aucune particule fine.
La Renault Clio Tce 90ch, à essence (évitons le diesel), a une consommation normalisée en cycle urbain de 6,3 l/100km. Nous savons tous qu’il faut y ajouter 1 l/100km pour approcher la réalité et même 1,5 l/100km pour des trajets très courts et embouteillés.
La différence de niveau de consommation est donc de 7,3 – 1,2 = 6,1 l/100km, voire plus. N’oublions pas non plus qu’un véhicule à essence nécessite aussi le remplacement régulier de l’huile moteur, d’un certain nombre de filtres et autres pièces qui ne sont pas présents dans un véhicule électrique. En comptant la différence à 6,5 l/100km, nous sommes encore en-dessous de la réalité. La différence d’émission correspondante est de 6,5 x 2,392 = 15,548 kg de CO2 / 100 km. Donc après 67.147 km de roulage, le véhicule électrique a rattrapé son handicap de départ. Dans la pratique probablement moins (vu les approximations faites), chiffre que nous pouvons diviser ce chiffre par 2, vu l’usage des batteries (pour le stockage réseau pendant 5 à 10 ans) une fois que l’auto sera mise au rebut.
N’oublions pas non plus que la chaîne de l’extraction du pétrole brut, son transport, son raffinage et sa distribution jusqu’aux stations d’essence a aussi une empreinte environnementale (l’ADEME a publié une estimation de 14,1 g de CO2 par MJ, soit 497 g de CO2 par litre d’essence) bien supérieure à celle du gaz naturel (transporté par pipeline, qui ne nécessite pas de raffinage, et distribué au travers du réseau) et nulle pour la production renouvelable. L’impact du véhicule électrique sur le réseau électrique étant nul à bénéfique (j’en parlerai dans un autre article).